Dans le futur, la Terre est en proie à une forte pénurie alimentaire. Sur une station installée sur un des satellites de la planète Saturne, totalement coupés du monde, vivent Adam et Alex, 2 scientifiques qui ont pour mission de trouver de nouvelles formes de nourriture. Leur routine se voit bouleverser quand on leur envoie un nouveau scientifique chargé de voir l’avancée de leurs travaux. Cet homme, le capitaine Benson, est en fait un imposteur qui a assassiné et prit la place du véritable émissaire. Il a amené avec lui toutes les pièces pour construire un robot, surnommé Hector, de la toute nouvelle génération “demi-dieu”, doté d’un cerveau organique. Chargé de l’assembler et de l’éduquer, Benson va mettre une partie de sa personnalité instable dans la machine.
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Il est surprenant de voir le nom de Stanley Donen à la réalisation d’un film comme Saturn 3. D’abord danseur et chorégraphe, il reste surtout connu pour la réalisation de comédies musicales comme Un Jour à New York (1949) ou, bien sûr, Chantons Sous la pluie (1952). Saturn 3 reste sa seule incursion dans le domaine de la science-fiction, et pour cause, c’est quand il occupait le poste de producteur qu’il en a repris les rênes, bon gré mal gré, suite au départ du premier réalisateur engagé.
Ce projet était au départ celui de John Barry, chef décorateur de films comme Orange mécanique, Phase IV (fascinant film de Saul Bass) ou La Guerre des étoiles. Auteur de l’histoire de ce Saturn 3, il s’était vu offrir le poste de réalisateur. Très rapidement il fut débarqué du tournage suite, apparemment, à de gros problèmes relationnels qu’il aurait eu avec la star du film, Kirk Douglas.
Film de science-fiction teinté d’horreur, Saturn 3 aborde des thèmes comme l’écologie, avec ce futur où l’humanité a consommé toutes ses ressources, ou la relation homme-robot, où ce dernier finit par vouloir se prendre pour son créateur.
En jouant sur l’antinomie des personnages de Benson et d’Adam, le film nous parle également de la libération des moeurs sexuelles : l’un tente d’ouvrir le personnage d’Alex sur le monde extérieur, quand l’autre pourrait être perçu comme un affreux conservateur tentant de laisser sa compagne dans une forme d’obscurantisme.
Saturn 3 présente donc des pistes de lecture intéressantes, mais malheureusement pas toujours exploitées de manière suffisante ou adéquate.
Il est clair que le réalisateur n’était pas très à l’aise avec le projet. La où un Ridley Scott avec Alien (sorti 1 an plus tot) parvenait sur une base de SF à dévier vers un film d’horreur flippant et anxiogène, Donen, quant à lui, donne ici l’impression de ne pas vraiment savoir dans quel direction aller.
Science-fiction ou horreur… Donen ne parvient pas à choisir. Ni encarté dans un genre, ni équilibré entre les 2, le film se retrouve donc “le cul entre 2 chaises”, et finit par échouer sur les 2 tableaux.
Il en résulte un film à la réalisation soignée, mais oscillant entre de la SF poussiéreuse et de l’horreur jamais effrayante car trop gentillette.
Le film est de plus peu aidé par certains choix visuels et artistiques qui le font sombrer dans l’enfer du kitch. Dire que le poids du temps n’a pas épargné ce Saturn 3 est un euphémisme : la plupart de ses effets spéciaux sont totalement dépassés. Les décors faisaient déjà datés en 1980, les maquettes ne font jamais illusion.
Les différents costumes créés par Anthony Mendleson achèvent de plomber l’ambiance. Il faut voir Kirk Douglas déambuler dans la station avec son ensemble beige, ou le design des casques spatiaux, pour se convaincre du manque évident de créativité.
Le film sera d’ailleurs un échec à sa sortie, ne parvenant pas à rentabiliser son budget de 9 millions de Dollars, recevant des critiques majoritairement négatives.
Et pourtant malgré tous ses défauts évidents, je ne peux m’empêcher d’apprécier ce Saturn 3.
Déjà pour son casting, nous sommes face à un Kirk Douglas qui, sans forcer son talent, en impose par sa simple présence. Son personnage est par ailleurs assez intéressant car ambigu : présenté comme le héros, il parle d’assassiner son rival, et hésitera même à sauver cet intrus venu bouleverser sa vie bien rangée. Sa relation avec le personnage de Farrah Fawcett est d’ailleurs quelque peu malsaine : elle d’un côté, docile et soumise, doutant de sa vie sur la station et désirant voir autre chose, et lui de l’autre, se sachant trop vieux pour elle mais qui s’enferme dans une attitude égoïste qui empêche sa compagne de s’épanouir pleinement.
Face à eux un Harvey Keitel, encore tout jeune, composant un personnage sobre, voir monolithique et inquiétant. Alors en début de carrière à cette époque, il apparaîssait déjà dans le type de rôle qui feront sa gloire.
L’autre grande attraction du film est Hector, le robot. Ayant à lui seul coûté 1 million de Dollars de la totalité du budget, et malgré un design lui aussi “old school”, il reste un protagoniste mémorable : imposant, menaçant, capable de tuer sans la moindre hésitation.
Le voir déambuler dans les couloirs de la station Saturn 3 me fait toujours son petit effet.
Je n’irais pas jusqu’a dire que Saturn 3 est un film incompris qui mérite une réhabilitation. Le film est ce qu’il est, et une bonne partie des critiques à son encontre sont justifiées. Pourtant, avec son robot psychopathe, son casting aux petits oignons, son ambiance parfois bien trouvée, et ses quelques scènes efficaces, le film de Doden n’est pas non plus un immonde nanar.
Un film curieux et souvent intéressant si l’on fait preuve de suffisamment de bienveillance.
Saturn 3
1980 – Royaume-Uni – 98mn
Réalisation: Stanley Donen
Genre(s): Science-fiction, Horreur, Robot
Acteur(s): Kirk Douglas, Farrah Fawcett, Harvey Keitel

